La toute première mort dont je me souvienne était celle d'une grande tante éloignée, qui vivait là bas au bord de la mer, cette mer qui ne bougeait pas, brûlant sous le soleil et grouillante de monde.
Cannes, Menton ? Une ville où des palaces bordaient les plages, où les vieux y mouraient entourés de garde-malades.
Cette grande tante était descendue à la cave pour y chercher quelques affaires. Quelques temps après, un voisin remarqua la lumière d'une lampe de poche, figée au plafond, posée à côté de son corps, mort. On téléphona à mon père, grave, debout, tenant le combiné et hochant la tête.
Tante Marguerite était morte, seule, absolument seule et nous en fûmes ma sœur et moi, bouleversées bien que ne la connaissant pas. Plongées en plein romantisme, nous avions alors écrit une lettre d'adieu déchirante, souhaitant à cette tante un paradis rempli d'anges et de dorure. Puis, nous jurant de garder le secret, avions déposé en haut de l'armoire notre lettre, pour que du haut des cieux elle puisse la lire.
Quelques temps encore elle fut là, témoin de nos journées, puis s’effaça dans l'azur de nos rêves.
D'autre morts ont jalonné ma vie depuis, mais toujours me revient en mémoire cette lettre posée sur l'armoire et puis...
Le jour où l'on m'apprend la mort, ce jour là je vis avec celui ou celle qui vient de quitter mon monde pour l'ailleurs.
Je l'imagine s'amusant une dernière fois à regarder nos vies si banales derrière les murs de nos maisons. Ainsi, c'est comme cela que les hommes vivent ? Je lui parle, à ce mort, lui présentant mes excuses pour ce que j'ai été, lui souhaitant bon voyage, et reviennent un instant tous mes morts, ceux que j'ai aimés, ceux que j'aimerai toujours.
L'affreux voisin est parti, et même si je ne regrette pas ma porte fermée, je lui ai souhaité d'être plus serein dans son nouveau monde.