lundi 29 mars 2010

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Mamie de Mulhouse avait deux magasins. Un place de la Réunion vraiment à elle, et un rue du Sauvage qu'elle avait presque donné au mari de sa fille, enfin c'est un peu ce que j'avais compris. On parlait "des" magasins de Mamie mais celui où nous serions sûrs de la trouver était sur la place.

J'étais intimidée lorsque nous passions la porte qui faisait tinter les petites clochettes, et la Mamie du magasin ne ressemblait pas du tout à celle qui venait à la maison. Elle faisait plus dame, ne parlait pas tout à fait de la même manière, mais son sourire lui était inchangé.

Il y avait la grande pièce, Le Magasin, qui donnait à l'extérieur. Avec les vitrines cachées par des sortes de paravents, où étaient exposés chapeaux et chemises. Tous le monde pouvait y entrer !
Il y avait aussi... le petit réduit où se travaillait les chapeaux, les réserves où étaient rangées par couleur, taille, forme, les chemises et les pulls, des casiers de bois montant jusqu'au plafond, aux sous-sols et à l'étage, et là, ce n'était pas tous le monde qui pouvait y aller... juste les vendeuses, Mamie et Nous !

Sur le petit palier, très sombre, seules les petites flammes bleues réchauffant la forme à chapeau donnaient de la lumière, parfois, lentement, un feutre prenait forme. Nous montions à l'étage, regardions un instant les gens déambulant sur cette place qui semblait bien plus grande vue de haut, maman choisissait une chemise, un pull, puis nous redescendions en faisant claquer nos semelles, maman payait, nous embrassions Mamie et repartions en courant.

Les jours de carnaval, lorsque nous n'étions pas au Birkenhof, nous allions dans l'autre magasin - C'est bien pour vous faire plaisir, disait papa.
Sur le chemin il s'arrêtait, achetait à chacun un énorme sac de confettis, un ou deux rouleaux de serpentins et lentement, fendant la foule, à la queue leu leu, nous traversions Mulhouse jusqu'à la rue du Sauvage. Je serais bien restée collée aux barrières, au milieu de cette foule bruyante qui riait déjà des quelques clowns présents, mais papa disait que l'on verrait mieux du balcon...
Derrière la porte vitrée, Mamie nous attendait, on grimpait à l'étage, vite, déjà surexcités des flonflons approchant. C'est vrai que l'on voyait tout, même l'intérieur de certains chars, et puis jeter d'en haut nos confettis multicolores nous amusait follement. Lorsque passait le gros souffleur, qui projetait ses milliers de bandelettes en papier blanc, nous poussions de grands cris, mais l'on savait aussi que la fin approchait.
Il fallait repartir, dans les rues qui lentement se vidaient et tout le long du chemin ramassions par poignée les confettis au sol. En rentrant, comme chaque année, nous referions carnaval. Notre public serait nos bêtes en peluches et nos chars faits de boites à chaussures décorées.

Longtemps après, Mamie et Maman trouveraient des confettis aux couleurs passées, en faisant le ménage.

5 commentaires:

Olivier Autissier a dit…

L'horreur des confettis dont on ne se débarrasse jamais tout à fait.

Pablo a dit…

Mais tu avais de la chance, dis-donc ! Qu'est-ce qu'ils sont devenus, ces magasins ?

Valérie de Haute Savoie a dit…

Ce matin, partant à l'agence, je marchais sur un trottoir jonché de confettis. Hier avait lieu, sous la pluie, le carnaval :) Et tout au long du trajet, jusque dans les escaliers menant aux bureaux, les confettis égayaient ma matinée. Est-ce vraiment une horreur Olivier ;)

Pablo, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, mon oncle a pris sa retraite depuis longtemps et aucun de ses enfants n'est devenu commerçant. Et puis, des chapellerie-chemiserie, il n'y en a plus vraiment !

Olivier Autissier a dit…

Quand ils égayent ta matinée, vraisemblablement non, Valérie. Mais je me souviens quand le carnaval d'Annemasse passait sous mes fenêtres du second étage, je fermais la fenêtre au moment de certains chars "généreux". Et pourtant, j'en trouvais dans l'appartement pendant toute la semaine qui suivait.

Valérie de Haute Savoie a dit…

Il me semble que Mamie prenait grand soin également de fermer les fenêtres du magasin, mais rien n'y faisait :D